samedi 30 janvier 2016

La politique d'emploi: l'expérience anglaise

Si mes souvenirs sont bons, la première revendication du peuple « révolutionnaire » était l’emploi. Les tractations politiques nous nous ont fait éloignés de ça. Attendant qu’on résout des problèmes identitaires probablement plus importants, commençons à étudier les expériences comparées dans le domaine.
Je commencerai par l’expérience du Royaume Uni, jugé très réussie, en me basant sur le travail de Nicolas GRIVEL, Nathalie GEORGES et Dominique MÉDA du CEE français.
Avec un chômage aux alentours de 5% (contre une moyenne de 7,9% en Europe des 25), le Royaume-Uni s’est fixé l’objectif ambitieux de parvenir à un taux d’emploi de 80%, ce qui implique même de ramener vers l’emploi des publics bénéficiant d’allocations d’inactivité (invalides-handicapés, parents isolés). Le taux de chômage de longue durée (+12 mois) est de 1,2% au Royaume Uni, alors que la moyenne européenne est de 3,6%.
Le premier constat qui surgit de l’expérience anglaise est le suivant : il n’est pas nécessaire de dépenser plus pour faire travailler plus de monde. En effet, en termes de part du PIB, le Royaume-Uni ne consacrait en 2004 que 0,8% de son PIB aux dépenses au titre des politiques du marché du travail, contre 2,3% en moyenne pour l’Union européenne à 15 et 2,5% pour la Suède, 2,7% pour la France et 3,7% pour les Pays-Bas (4,4% au Danemark). Le Royaume-Uni est à cette aune le pays de l’Union à 15 qui dépensait le moins pour les politiques de l’emploi. Rappelons à cet égard que la Tunisie a réservé dans son budget de 2012, 511 MDT pour l’emploi, soit 2% du budget.
Le deuxième constat porte sur l’importance des programmes d’accompagnement des demandeurs d’emploi : L’accompagnement des demandeurs d’emploi est guidé par l’idée directrice d’un retour à l’emploi rapide et quasi-autonome pour la plupart des chômeurs. Un suivi intensif est par conséquent mis en place, qui ne se double d’un véritable accompagnement qu’ultérieurement pour les demandeurs d’emploi qui peinent à sortir seuls du chômage. Un accompagnement renforcé intervient après 6 mois de chômage pour les jeunes et après 18 mois seulement pour les plus de 25 ans, sous la forme des programmes globaux « New Deal ».
L’accent est clairement mis sur le suivi des chômeurs et sur l’incitation à la recherche active d’emploi plus que sur la construction d’un projet professionnel ou sur le développement de l’employabilité. L’accompagnement repose sur des processus rationalisés et sur une forte spécialisation des fonctions et des conseillers. La notion de référent unique n’apparaît réellement qu’au moment du renforcement de l’accompagnement. Les prestations d’accompagnement, telles que la formation ou le placement dans des emplois aidés, sont très peu développées au Royaume-Uni.
Le système britannique d’accompagnement des demandeurs d'emploi présente les caractéristiques suivantes :
- il s’appuie sur un service public unifié d’indemnisation et de suivi des demandeurs d'emploi, autour des Jobcentre Plus ;
- reposant sur des règles d’indemnisation du chômage restrictives, il met l’accent sur un suivi intensif des chômeurs pour favoriser un retour rapide à l’emploi et développe peu les programmes de formation ou les contrats aidés ;
- connaissant un faible niveau de chômage, il est confronté à la persistance d’inactivité de catégories en difficultés (parents isolés, invalides et handicapés) qui constituent aujourd’hui la priorité des pouvoirs publics.
Le troisième constat émanant de l’expérience anglaise porte sur le point suivant : les services de l’emploi se concentrent sur leur mission tout en coordonnant avec d’autres acteurs notamment sur la question de formation.
S’agissant de l’orientation et de l’insertion professionnelles des jeunes, un réseau spécifique dénommé Connexions Service étant chargé en Angleterre de l’accueil des jeunes et disposant de nombreuses antennes locales.
En Angleterre, les Learning and Skills Councils - LSC, organismes de droit privé, sont chargés depuis 2001 de la politique de formation continue de l’ensemble des personnes en âge de travailler, en emploi, au chômage ou inactives.
Les LSC développent notamment une stratégie particulière pour les jeunes, en particulier pour ceux qui ne sont ni en emploi, ni à l’école ni en formation, ainsi que pour les adultes ne disposant pas des compétences de base.
En partenariat avec le Jobcentre Plus, les LSC œuvrent notamment à ramener les publics peu qualifiés vers l’emploi en accordant la priorité aux formations à vocation professionnelle. Les LSC s’appuient sur les universités (colleges) et des prestataires extérieurs pour assurer les formations. S’agissant de la formation des demandeurs d'emploi, le financement des prestataires est généralement partiellement lié à l’effectivité de leur retour à l’emploi.
Enfin, le quatrième constat porte sur le fait de lier l’indemnisation des chômeurs à leurs efforts de recherche d’emploi :
Le dispositif britannique d’indemnisation du chômage repose sur une prestation unique appelée Jobseeker's allowance (JSA). Le bénéfice de la JSA est subordonnée à la conclusion d'un « Contrat du demandeur d'emploi » (Jobseeker’s Agreement), qui lie le demandeur d’emploi et son Jobcentre Plus en mentionnant les engagements réciproques. Le demandeur d'emploi s’engage notamment à rechercher activement un emploi et à en apporter la preuve régulière dans le cadre du suivi assuré par le Jobcentre Plus.
Deux périodes sont distinguées :
- pendant les 13 premières semaines, il est admis que le demandeur d'emploi pose des restrictions, dès lors qu’elles correspondent à des aspirations réalistes notamment quant au type d’emploi recherché. Ainsi, pendant cette période la recherche d’emploi peut être légitimement restreinte au champ professionnel antérieur du chômeur ;
- à l’issue de cette période et de l’entretien qui la clôt, le demandeur d’emploi n’a pas le droit de refuser aucun emploi.
Tous les cas de non-respect par le demandeur d'emploi de ses obligations (défaut de recherche d’emploi, refus d’une formation ou d’un emploi) peuvent donner lieu à sanction, qui relève d’un agent, qualifié de « Decision maker », distinct du conseiller. Les sanctions prennent la forme d’une suspension du versement de l’allocation. Elles peuvent faire l’objet d’un appel devant une juridiction.
(Le Temps Économie, mardi 22 mai 2012